PRÉVENTION SANTÉ

Préserver son corps au travail : l’enjeu de l’économie de mouvement

Michel GENDRIER, auteur de Gestes et Mouvements Justes : Guide de l'Ergomotricité pour tous (Grenoble Sciences - EDP Sciences, 2005), met en lumière une attitude paradoxale dans la façon dont nous conceptualisons notre corps au travail.

D’un côté, le « corps-loisirs » est aimé, admiré et entretenu grâce à des investissements financiers pour le sport, les soins ou encore l’apparence. De l’autre, le « corps-travail » est perçu comme un simple outil, soumis à des douleurs acceptées et contraint de répondre aux exigences de productivité sans considération pour ses limites physiologiques. Cette conception, héritée de l’ère industrielle, mérite une révision pour s’adapter aux réalités actuelles.

Réconcilions nos deux corps :le concept d’économie de mouvement

L’enjeu actuel en matière de santé au travail est de concilier les besoins physiologiques du corps (prévention des troubles musculo-squelettiques, gestion de la fatigue) avec les impératifs économiques des entreprises (productivité et durabilité). Le concept d’économie de mouvement, inspiré des pratiques sportives, vise à optimiser les gestes et postures pour assurer confort, efficacité et protection dans un environnement adapté.

– L'ergomotricité comme fondement

L’économie de mouvement s’appuie sur l’ergomotricité, définie par Gendrier comme une méthodologie visant à réduire les contraintes physiques tout en augmentant la performance. Ce principe repose sur une analyse des mouvements pour éviter les efforts inutiles et prévenir l’usure prématurée du corps. L’ergomotricité ne suffit pas à elle seule, elle doit être motivée par des actions concrètes de la personne qui souhaite s’améliorer.

– Rendre le salarié acteur de sa santé

Le salarié maîtrise les techniques et anticipe les imprévus. Cependant, ces savoir-faire s’accompagnent souvent d’une banalisation des comportements à risque. Former les salariés à adopter des postures justes et des mouvements économiques est crucial pour leur permettre de devenir acteurs de leur propre santé. Cela passe par trois étapes clés :

Prise de conscience : Sensibiliser le salarié aux dangers liés à ses habitudes corporelles.

Acquisition des bonnes pratiques : Tester et valider des postures adaptées aux contraintes spécifiques du métier.

Ancrage durable : Répéter ces pratiques pour transformer durablement la vision du travail.

– Une démarche globale et collaborative

Pour agir efficacement sur la santé des salariés, il faut également garantir un environnement adapté (matériel ergonomique, organisation optimisée…). La collaboration entre managers et collaborateurs est essentielle pour identifier les besoins réels et mettre en place des solutions.

Comment mettre en place desactions d'économie de mouvement ?

Pour intégrer l'économie de mouvement dans le quotidien professionnel, plusieurs solutions concrètes peuvent être mises en place :

Aménagement des postes de travail : Investir dans du mobilier et des outils adaptés (sièges ergonomiques, repose-pieds, supports d'écran ajustables) permet de limiter les mauvaises postures et les efforts inutiles.

Formations et sensibilisation: Organiser des sessions de formation en ergomotricité pour apprendre aux salariés les gestes et postures optimaux.

Encourager les pauses actives : Introduire des exercices d'étirements et des micro-pauses pour éviter la fatigue musculaire et favoriser la récupération.

Utilisation de technologies d'assistance: L'intégration d'outils d'assistance au port de charge peut réduire l'impact des gestes répétitifs et diminuer les risques de blessures.

Engagement du management : Sensibiliser les managers pour qu'ils intègrent ces pratiques dans la gestion quotidienne.


Réconcilier le « corps-loisirs » et le « corps-travail » nécessite une démarche intégrant l'ergomotricité, la prévention des risques et la collaboration managériale. En plaçant la santé au cœur des priorités organisationnelles, nous pouvons transformer durablement le rapport au travail tout en améliorant la performance collective. Il est temps de reconnaître que le bien-être physique des travailleurs est indissociable de leur efficacité et de la réussite des entreprises.